Les syndicats vus par les salariés : trop politisés et trop loin de leurs préoccupations
Le baromètre 2015 sur l'image des syndicats réalisé par l'institut TNS Sofres pour l'association Dialogues, qui vient de le rendre public, semble montrer la poursuite de l'érosion de la confiance que les Français et les salariés accordent aux syndicats (*). Selon l'institut, les Français jugent que les syndicats sont "trop centrés sur eux-mêmes, trop vindicatifs, finalement pas assez ouverts sur les autres comme sur le monde qui les entoure", et qu'ils exigent "un niveau d’engagement trop élevé par rapport à ce que les Français et les salariés sont prêts à concéder". N'en jetez plus !
On en oublierait presque que les Français interrogés en face à face à propos de la défense de leurs intérêts sont tout de même 51% à faire confiance à l'action des syndicats (contre seulement 43% pour les Français interrogés via internet), un pourcentage en baisse par rapport aux années précédentes. Les seuls salariés, eux, font confiance aux syndicats à 57% pour les femmes, et à 47% pour les hommes, et ils sont d'ailleurs 65% à voter aux élections professionnelles. Il est vrai qu'un chiffre est particulièrement cruel : seuls 21% des salariés interrogés sur l'action qu'ils jugent la plus efficace pour défendre leurs intérêts disent qu'ils s'adresseraient aux syndicats, 26% choisiraient de "se coordonner avec d'autres salariés" et 50% d'en discuter avec leur hiérarchie, un dernier chiffre toutefois en net recul, ce qui ne témoigne pas non plus d'une confiance aveugle à l'égard de l'employeur.
La côte de confiance des syndicats dépend en fait de la proximité des salariés avec un syndicat. Ainsi, 59% de salariés qui connaissent des syndiqués dans leur entourage ont une bonne opinion des syndicats (contre 42% pour ceux qui n'en connaissent pas) et 55% des salariés qui ont un syndicat dans leur entreprise ont confiance dans la défense de leurs intérêts.
Dans le détail, les salariés jugent les syndicats sans ménagement :
- 78% estiment les syndicats trop "politisés";
- 69% qu'ils ont une approche "trop idéologique";
- 68% qu'il y a trop de concurrence entre syndicats;
- 66% qu'ils sont mal adaptés au monde d'aujourd'hui;
- 59% que les syndicats ne s'occupent que de leurs adhérents;
- 56% qu'il y a "trop de syndicats" en France;
- 55% que les syndicats comprennent mal les réalités économiques;
- 54% qu'ils comprennent mal les vrais besoins des salariés;
- 41% qu'ils sont inefficaces, etc.
Les éléments suivants montrent que sur ces différents thèmes, la tendance de l'opinion est inquiétante pour l'avenir du syndicalisme. La question posée est celle-ci : "Pour chacune des opinions suivantes, dites-moi si elle correspond à ce que vous pensez ?" Les graphiques donnent le pourcentage des salariés interrogés en face à face qui répondent oui, ainsi que l'évolution dans le temps de leurs réponses.
Lecture : A cette question, 41% des salariés répondent "oui" en 2015
Lecture : à cette question, 54 % des salariés répondent "oui" en 2015
Lecture : A cette question, 68% des salariés répondent "oui" en 2015
Pour les salariés interrogés, qui trouvent que les syndicats défendent d'abord les salariés du secteur public et des grandes entreprises, la priorité des syndicats devrait être de :
- favoriser le retour à l'emploi des chômeurs (pour 17% des salariés interrogés);
- défendre les acquis sociaux (17%);
- accompagner les salariés tout au long de leur carrière (17%);
- lutter contre le travail précaire (14%);
- améliorer la compétitivité française et l'employabilité des salariés (9%);
- défendre le pouvoir d'achat (7%);
- réduire le temps de travail (2%).
Les salariés interrogés pensent que les syndicats les inciteraient davantage à les rejoindre s'ils étaient :
- davantage réalistes (29%);
- davantage à leur écoute (28%);
- s'ils coopéraient mieux avec les directions des entreprises (27%);
- étaient plus présents dans l'entreprise (26%);
- donnaient des conseils aux salariés (21%);
- étaient plus combatifs (16%);
- apportaient des services (15%);
- mettaient en avant une nouvelle génération de militants (11%).
La peur de se syndiquer s'explique d'abord par la peur des représailles (30% des salariés l'expriment), ce qui n'empêche paradoxalement pas 72% des salariés d'approuver l'idée qu'il faudrait, "pour déterminer les règles sociales qui encadrent le travail, faire davantage confiance à la négociation entre les syndicats et l'entreprise". Cela étant, alors même que le débat public et les orientations politiques ne cessent d'aller dans cette direction, "seuls" 50% des salariés considèrent qu'il faudrait "assouplir les règles sociales pour restaurer la compétitivité des entreprises". En cas de difficultés de l'entreprise, une concession par la négociation sur le temps de travail et les salaires est cependant approuvée par 74% des salariés.
Enfin, la question des relations entre les syndicats et les employeurs (formulée ainsi : "Dans votre entreprise, diriez-vous qu'il existe un bon niveau de confiance entre les syndicats et la direction") montre que 54% des salariés perçoivent un état de défiance entre les deux parties. Plus intéressantes apparaissent les réponses des salariés à la question suivante :
Encore une fois, ce point rejoint le constat souvent fait par les observateurs du dialogue social en France : pour négocier, contractualiser, il faut des relations loyales, et donc un minimum de transparence. Une transparence sur les chiffres et la stratégie de l'entreprise qu'un outil est censé fournir aux représentants du personnel : la base de données économiques et sociales. Mais en pratique, c'est une autre paire de manches. Alors, à quand le même type de sondages sur l'opinion qu'ont les salariés de leur DRH et de leur direction d'entreprise ?!
(*) Cette enquête de TNS Sofres pour l'association Dialogues s'appuie sur les résultats d'un sondage en ligne auprès d'un échantillon représentatif de 1 010 salariés, effectué du 12 au 23 octobre 2015, ainsi que d'une enquête "face à face" au domicile de 1 035 autres Français, effectuée du 29 octobre au 2 novembre 2015. Dialogues est une association dirigée par Jean-Dominique Simonpoli qui rassemble d'anciens syndicalistes et professionnels des ressources humaines "qui ont à coeur la promotion du dialogue social".
Commentaires (2)
Je suis DS CFDT et dans ce que je lis, je constate SURTOUT une énorme méconnaissance du fait syndical, d'une. De deux, la peur effectivement de voir son parcours professionnel se faire bloquer du fait d'un engagement pour tel ou tel syndicat (et c'est hélas une réalité). De trois, je constate aussi que le discours des journalistes (plutôt interviewers au final) a bien été assimilé : "LES syndicats appellent à la grève"... NON. DES syndicats et pas LES syndicats.
Pour finir, c'est avec peur que je constate que le leitmotiv "les syndicats ne servent à rien" est bien ancré... la voie est ouverte pour le F-Haine !!!
mais il ne faudra pas venir pleurnicher après
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Signaler un contenu abusifLA PENSEE UNIQUE A L'OEUVRE !!!
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