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La confédération européenne des syndicats réclame que les droits sociaux prévalent sur l'économique

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La présidente de la CES, Bernadette Ségol, entourée par Philippe Martinez, de la CGT (à gauche), et Luc Bérille, de l'Unsa (à droite)
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La confédération européenne des syndicats (CES), dont le congrès débute aujourd'hui à Paris, réclame un véritable dialogue social au niveau européen ainsi que la définition d'un socle de droits sociaux l'emportant sur les droits économiques. Mais le mouvement syndical européen peine à se faire entendre.

Pour son dernier congrès en tant que secrétaire générale, la française Bernadette Ségol, issue de la CFDT, a la satisfaction -c'est une première- de recevoir à domicile : Paris accueille à partir de ce mardi et jusqu'à vendredi, dans la maison de la Mutualité, les 1 400 délégués, issus de 90 organisations syndicales de 39 pays européens et de 10 fédérations syndicales européennes, de la Confédération européenne des syndicats (CES). Une confédération à la tête de laquelle il faut savoir composer avec des sensibilités différentes pour tenir un discours unitaire à l'adresse de l'opinion comme des instances européennes. "Ce n'est pas facile et Bernadette a bien fait le job", a d'ailleurs salué Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, jeudi dernier, lors d'une présentation commune, devant la presse, des enjeux de ce congrès, en présence des responsables de la CFDT, CFTC, CGT, et Unsa.

Nous avons davantage de contacts avec la commission européenne. Mais est-ce vraiment du dialogue social ?

Pas question pour autant de cacher la difficulté pour la CES à faire entendre ses vues, malgré quelques manifestations importantes à Bruxelles. Bernadette Ségol elle-même en convient : le dialogue social brille par son absence au niveau européen. "Nous avons, c'est vrai, davantage de contacts et sommes davantage consultés par le nouveau président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker. Mais est-ce vraiment du dialogue social ? Il y a dialogue social lorsqu'on vous écoute, et lorsque ce que vous dites peut modifier les projets. Lorsque la commission demande aux Grecs de donner moins de place aux conventions collectives, on voit bien que le syndicalisme européen est encore souvent perçu comme un problème", soutient Bernadette Ségol. "Il n'y a plus du tout la même qualité de dialogue tripartite (c'est à dire des échanges entre les partenaires sociaux et les autorités publiques européennes) qui existait au temps de Jacques Delors", a renchéri Jean-Claude Mailly.

Contre le primat donné à l'économique

Bernadette Ségol ne peut que constater la prégnance au niveau européen d'une crise économique, à laquelle s'ajoute désormais la crise des réfugiés, et d'un primat donné à l'économique pur. "Nous sommes très loin de l'objectif de croissance durable et de plein emploi que nous poursuivons, à la CES", dit la secrétaire générale en s'alarmant devant l'ampleur du chômage des jeunes et la poussée des inégalités en Europe. "Cette crise entretient le dumping social, c'est à dire la concurrence à la baisse des salaires, de la protection sociale et des droits des travailleurs", dénonce-t-elle. Les réformes structurelles poussées par Bruxelles et par les Etats aggravent la flexibilisation du marché du travail "sans pour autant que cela n'apporte d'emplois".

Contre ce modèle, la CES veut "une société juste, forte, avec des emplois de qualité, permettant aux travailleurs et à leurs familles de vivre décemment". A l'occasion de son congrès, la CES va donc adopter "un manifeste de Paris". Dans ce texte, la confédération réitérera sa demande d'un protocole des droits sociaux fondamentaux qui ait la primeur sur les droits économiques. Le mouvement syndical prône aussi l'instauration d'un impôt sur les sociétés minima de 25% dans toute l'Europe ainsi que "le renforcement des systèmes de négociation collective et des accords contraignants au niveau national couvrant tous les travailleurs". Concernant l'idée d'un salaire minimal européen, il devrait y avoir un débat autour de la fixation d'un tel salaire, qui pourrait être exprimé en pourcentage du salaire médian, "60% étant une référence possible", estime Bernadette Ségol.

Le syndicalisme européen doit être davantage visible pour les salariés

Reste que le syndicalisme européen donne, d'un congrès à l'autre et d'une crise européenne à l'autre (*), le sentiment d'être impuissant à peser sur les politiques en oeuvre en Europe. "Le syndicalisme européen doit à la fois proposer une alternative à la politique de la commission européenne et être plus visible pour les salariés européens, surtout au moment où l'abus des travailleurs détachés peut générer des conflits entre salariés des différents pays", analyse Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT.  Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, défend de son côté "davantage d'intégration des politiques économiques, fiscales et sociales". Alarmé par la crise des réfugiés et les tentations françaises et européennes d'un repli sur soi, Luc Bérille, secrétaire général de l'Unsa, espère que le congrès parisien "sera l'occasion de montrer une image solidaire de l'Europe" en "réaffirmant la validité du syndicalisme européen".

(*) Le congrès 2011, qui avait lieu à Athènes, avait été marqué, déjà, par la crise grecque. Celui de Paris restera sûrement lié à la crise des réfugiés qui frappe l'Europe. Cette question fera d'ailleurs l'objet d'une session mercredi matin, d'autres débats étant prévus sur les emplois de qualité pour les jeunes (après-midi du mardi 29), sur le socle de normes sociales ambitieuses (matinée du jeudi 1er octobre) ou sur le dumping social (après-midi du jeudi 1er octobre), le congrès étant ouvert ce matin par François Hollande, le président de la République. Consulter le programme

 

 

Une nouvelle équipe, de la poésie au rugby !
Vendredi 1er octobre, suite au vote de la veille des délégués, c'est l'Italien Luca Visentini, un habitué du syndicalisme européen qui a été secrétaire général du syndicat italien UIL de la région de Vénétie et qui est également poète (4 recueils à son actif), qui devrait prendre la suite de Bernadette Ségol, élue en 2011, au mandat de secrétaire général de la CES.
Le président de la CES devrait être le Belge Rudy De Leeuw, un professeur d'économique et de mathématiques qui était depuis 2006 président de la fédération générale du travail de Belgique FGTB-ABVV.
La nouvelle équipe de direction devrait aussi comprendre un Français, Thiébaut Weber, un ancien délégué aux jeunes de la CFDT qui a été de 2011 à 2013 président du comité jeunes de la CES et qui prise, lui, le rugby.
Bernard Domergue
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Bernard Domergue